Lâcher prise. Quelle drôle d’idée !

Je ne suis pas de ce genre-là, moi : chaque instant de ma vie doit être occupé à faire un truc.

  • Répondre à un mail
  • Écrire un article
  • Faire les courses
  • Faire le plein
  • Lancer une lessive
  • Regarder ce documentaire super intéressant
  • Récupérer mon colis à la Poste
  • Repeindre une chaise
  • Poncer une table de nuit
  • Faire 30mn de marche
  • Trier les livres de ma bibliothèque
  • Préparer des lasagnes
  • Dessiner le plan du petit meuble que je vais construire pour ranger les bouteilles…
  • Et, surtout, FAIRE DES LISTES de tout ce que je dois faire pour ne rien oublier.

Lâcher prise, si c’est synonyme de ne rien faire, alors c’est mission impossible. Non seulement je suis dans une logique ultra-productiviste (est-ce mon éducation ou mon TSA qui a décidé de m’affubler de ce trait de caractère ?), mais poser son cerveau fait partie des grands mystères de l’humanité.

J’ai souvent essayé de me relaxer dans un transat, d’écouter le vent dans les arbres et de regarder le ciel en essayant de ne penser à rien. Penser à RIEN. Bah ça marche pas.

Mon cerveau ne se calme jamais. Il tourne 24/7.

Parfois comme un petit moteur bien huilé, toujours en train d’avoir une nouvelle idée, de penser à un truc à faire demain, de faire remonter un vieux souvenir de nulle part, de se rappeler qu’il faut gonfler les pneus de mon vélo.

Parfois aussi comme un réacteur de Boeing en pleine tempête, jusqu’à me faire sentir de la chaleur à l’intérieur de mon crâne, à force de tenter de canaliser les millions de pensées qui se bousculent à l’entrée de mon imagination.

👀 La vidéo de Le TSA, mon chien et moi sur la charge mentale des autistes décrit assez bien ce que je ressens. 👇👇👇

Lâcher prise, si ça correspond à accepter de perdre le contrôle absolu que je crois avoir sur ma vie, alors c’est peine perdue. J’ai un petit côté « control freak », j’avoue.

Tout va bien pour moi quand je sais ce qui va se passer dans la prochaine heure, demain, le mois prochain. Un simple petit grain de sable suffit à détruire le fragile engrenage de ma vie bien cadrée. Un changement de programme et c’est l’angoisse. Un retard de train et c’est la catastrophe.

👀 Vous voulez énerver un autiste ? Changez les plans à la dernière minute ! Merci à la chaîne Putain d’autiste pour ce rappel indispensable ! 👇

Mais je ne suis pas une machine. Comment supporter la charge mentale et les aléas du quotidien sans jamais lâcher prise ? Je crois que c’est impossible.

Parfois, Je me sens comme un vieil ordinateur auquel on n’a jamais fait les mises à jour ni vidé la corbeille. C’est le trop plein, il faut défragmenter, évacuer les pensées parasites, jeter les souvenirs qui ne servent à rien, trier les informations, faire de la place pour acquérir de nouvelles connaissances.

Mais comment faire ?

Voici donc les principaux cas de figure pour moi, qui ne suis pas naturellement programmée pour être cool, ainsi que mes solutions qui marchent. En général. Parce que, évidemment, le lâcher prise n’est pas une science exacte. Ce serait trop facile.

autisme

🧘🏻‍♂️ Mode zen : c’est quand je choisis de lâcher prise… parce même ça, il faut le contrôler !

1️⃣ Méditer seule étant compliqué pour moi, j’opte pour la méditation guidée. De nombreuses ressources sont disponibles sur YouTube ou les plateformes d’écoute, j’ai fait ma petite sélection. Idem pour le yoga, je sais que ça me fait du bien mais je dois suivre un cours pour en profiter pleinement. Bref, il faut qu’on me dise quoi faire et je me relaxe mieux !

Efficacité : ⭐️

2️⃣ Marcher avec les écouteurs vissés sur les oreilles, plongée dans mes sélections musicales tout en faisant bouger mon corps au rythme des morceaux, en imaginant des histoires et des personnages le long de mon chemin. Je le faisais souvent quand j’habitais en ville, le béton et les transports en commun constituent d’excellents terrains de détente, avec le volume à fond évidemment.

Efficacité : ⭐️

3️⃣ Un temps calme dans mon hamac. J’ai un grand hamac dans lequel je peux m’enrouler complètement et me transformer en chrysalide géante le temps d’un petit somme (avec couette et oreiller en option). Le fait de me sentir contenue, protégée dans mon filet m’apaise énormément. Avec le chat qui ronronne sur les jambes c’est encore plus efficace.

Efficacité : ⭐️⭐️

4️⃣ Bricoler en utilisant des outils aux vibrations régulières, avec des boules Quiès pour un effet immersif encore plus prenant. La ponceuse et le rotofil font partie de mes chouchous. Avec un bonus pour le rotofil, qui me donne l’impression de passer l’aspirateur dans le jardin, ce qui est extrêmement satisfaisant !

Efficacité : ⭐️⭐️

5️⃣ Adopter le lâcher prise comme état d’esprit. Ralentir, arrêter de courir dans tous les sens pour remplir 50 tâches dans la journée, travailler moins mais mieux, supprimer les notifications du téléphone, prendre le temps de cuisiner tous les jours, avoir des poules et récolter des œufs frais… bref, arrêter de vouloir vivre à tout prix comme la plupart des neurotypiques !

Efficacité : ⭐️⭐️⭐️

À lire également :

Vis ma vie d’aut(omobil)iste, où comment je gère les trajets en voiture avec mon TSA et mes petites manies.

🤯 Mode hard : c’est quand mon corps décide de lâcher prise sans me demander mon avis. La bonne nouvelle, c’est que je l’écoute. La mauvaise, c’est qu’il le sait très bien.

🟡 Niveau d’urgence 1 : contrariété de type appeler ou répondre au téléphone à une personne que je ne connais pas.

✔️ Parade : j’ai à portée de main un petit objet souple en caoutchouc avec des picots (une brosse à légumes), que je triture pour me détendre.

🟠 Niveau d’urgence 2 : inconfort puissant lié à un évènement type prise de parole en public ou à un changement de programme.

✔️ Parade : l’isolement dans une bulle de protection, le mutisme, le refus net de tout contact social pendant un temps plus ou moins long.

🔴 Niveau d’urgence 3 : angoisse profonde liée par exemple à la peur de l’avion ou à la présence d’une foule.

✔️ Parade : l’évitement. J’avais un professeur d’arts martiaux qui répétait : « un combat évité est un combat de gagné ». Je suis totalement d’accord !

J’ignore si ma manière de tendre vers le lâcher prise est différente ou similaire à celle des personnes qui ne présentent pas de TSA.

Je ne pense pas qu’il y ait de cas de figure universel, on ne peut pas affirmer « ça c’est typiquement une réaction d’autiste » ou « ça c’est typiquement une réaction de neurotypique ».

Je sais simplement que certaines solutions, qui peuvent sembler étranges, fonctionnent pour moi (la ponceuse, sérieusement… et encore je ne me suis pas étendue sur mon amour du repassage !).

Je crois enfin qu’il est important de se connaître et d’accepter ses propres bizarreries et que le premier pas pour apprendre à lâcher prise est l’introspection.

Et ça, c’est le job de toute une vie (d’autiste ou pas !).

🧐 Pour aller plus loin : un excellent site sur la fatigue cognitive chez les autistes. https://www.autistic-brain-fatigue.com/comprendre-la-fatigue-cognitive