[Témoignage d’autiste] Vis ma vie d’aut(omobil)iste

15 Jan 2022 | Non classé

 Je suis une femme de 44 ans, j’ai un Trouble du Spectre Autistique (TSA) s’inscrivant dans un syndrome d’Asperger et je vais vous raconter comment ça se passe quand je conduis ma voiture.

Contrairement à de nombreux autistes, je n’ai aucun souci de coordination ou de vision périphérique, je conduis facilement et j’éprouve même beaucoup de plaisir à le faire.

Contrairement à un cliché tenace, je ne suis pas non plus représentative du vieux proverbe moisi : “femme au volant, mort au tournant”. Voilà, c’est dit !

J’effectue régulièrement le trajet Fougères-Paris en voiture. La veille de chaque départ, je vérifie l’itinéraire et le temps de trajet sur Google Maps. Même si je les connais par cœur. C’est au cas où une dilatation de l’espace-temps ajouterait une heure de trajet comme ça, sans prévenir. Ou s’il y a des travaux en cours de route et que je ne suis pas prévenue : c’est l’angoisse. Ou la colère. Ou les deux.

la conduite et l'autisme

Inutile de préciser que je ne fais jamais de covoiturage avec des inconnus. J’ai déjà tenté plusieurs fois, mais le bilan de mes retours d’expérience penche trop du côté des inconvénients. Les gens que j’ai rencontrés n’étaient pourtant pas désagréables, certains étaient même très sympa.

Mais créer du bavardage pour meubler 300 km de trajet, non seulement ça ne coule pas de source pour moi, mais en plus ça m’épuise. J’ai souvent été la passagère murée dans le silence ou qui faisant semblant de dormir pour ne pas avoir à gérer des interactions sociales, j’avoue.

Mais revenons à mes trajets Fougères-Paris seule au volant (ô joie !). Je m’arrange toujours pour faire le plein à l’aller à la même station. Parce qu’elle est située sur le côté droit de la chaussée, donc c’est logique.

Si je dois faire le plein à cette station lors du trajet retour, cela me provoque une sensation inconfortable, parce que la station n’est plus du “bon côté de la route” ! C’est stupide, n’est-ce pas ? Eh bien pas pour moi !

conduite automobile TSA

Je sais que je vais rejoindre l’autoroute A81 exactement une heure après mon départ et que le péage d’entrée est situé au niveau du km 250. L’A81 rejoint l’A11 peu avant Le Mans au km 175, il y a un radar fixe au km 118. Après le péage de Saint-Arnoult (km 24), je sais qu’il reste 45 minutes de trajet jusqu’à ma destination (sous réserve d’embouteillages). Au total, j’aurai roulé 3h45 et franchi 37 feux tricolores, dont 36 entre Clamart et Châtillon.

J’aime bien les chiffres, au cas où ça vous aurait échappé.

Pendant le trajet, j’écoute une sélection de podcasts que j’ai préparée à l’avance pour éviter de manipuler mon téléphone en conduisant (fun fact : je suis absolument incapable de téléphoner pendant que je conduis). J’écoute les émissions en réglant le volume à 30 ou à 40, donc exclusivement sur un multiple de 10. 

Oui, je sais, ça a encore l’air stupide. Et je vous comprends… 

Je vous passe les détails sur ma manie de baisser les deux vitres en même temps quand je prends un ticket ou que je paie le péage ou sur ma connaissance pointue des numéros de département sur les plaques d’immatriculation.

J’aime bien les chiffres, mais je l’ai déjà dit, non ?

voiture autisme

En résumé : pour moi, un trajet en voiture doit être réglé, minuté, sans mauvaise surprise ni passager inconnu. Sinon, c’est l’angoisse. Ou la colère. Ou les deux.

Une chose est sûre : chaque autiste est différent et prend comme il peut le volant de sa vie !

 Crédit photos : Unsplash